« J’ai l’impression que l’attention médiatique au moment de l’adoption du Projet de loi C-4 a conscientisé les gens qui ignoraient l’existence de ces pratiques… mais sans plus. Une petite tape dans le dos et voilà, ces pratiques sont derrière nous. Mais c’est tout à fait faux. Les survivant·e·s de ces pratiques le disent : “Non! Ça existe depuis longtemps, on sait que c’est techniquement illégal, mais ça continue toujours”. »
La loi expliquée
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La loi relative aux pratiques de (thérapies de) conversion est complexe et en pleine mutation alors que nous prenons compte de l’ampleur de la nature frauduleuse et néfaste de ces pratiques. Cette partie vise à détailler la situation actuelle à l’échelle fédérale canadienne. Nous employons le terme « thérapie de conversion » puisque celui-ci est utilisé dans le Code criminel du Canada.
Ici, nous nous intéressons à la loi fédérale, mais nous tenons à souligner que plusieurs autres paliers gouvernementaux et organismes de réglementation ont adopté des interdictions et des politiques pour s’opposer aux pratiques de conversion. Ces mécanismes servent notamment à protéger les personnes à risque de subir ces pratiques et à proposer des recours aux survivant·e·s.
Pour en savoir plus sur les pratiques de conversion, comment et où elles sont subies, leurs effets néfastes et plus, consultez la section Tout sur les pratiques de conversion.
La loi fédérale et les thérapies de conversion
Le 7 janvier 2022, le Canada a criminalisé les thérapies de conversion et certains actes connexes (voir plus bas). Par conséquent, quiconque est coupable de fournir des pratiques de conversion ou tout acte interdit figurant dans la liste plus bas peut être accusé d’une infraction criminelle. Enfin, l’interdiction signifie que le gouvernement fédéral reconnaît le caractère néfaste et dangereux des actes décrits plus bas et que ceux-ci n’ont pas leur place au Canada.
Le Code criminel qui interdit les thérapies de conversion cible les « services, pratiques ou traitements » qui visent à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre. La loi reconnaît que de telles tentatives sont fondées sur des croyances et des stéréotypes nuisibles à l’endroit des personnes queers, trans et bispirituelles (plus précisément, la notion que ces existences sont problématiques).
Le Code criminel du Canada définit les thérapies de conversion comme étant tout service, pratique ou traitement conçu pour atteindre les objectifs suivants :
- modifier l’orientation sexuelle d’une personne pour la rendre hétérosexuelle
- modifier l’identité de genre d’une personne pour la rendre cisgenre
- modifier l’expression de genre d’une personne pour la rendre conforme au sexe qui lui a été assigné à la naissance
- réprimer ou réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels
- réprimer toute identité de genre non cisgenre
- réprimer ou réduire toute expression de genre d’une personne qui ne se conforme pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance
Des services, pratiques ou traitements sont définis comme des interventions formelles ou établies offertes au public ou à un public particulier.
La loi se concentre sur la visée des services, pratiques ou traitements plutôt que sur leurs fournisseurs ou leurs appellations. Une gamme de personnes peut fournir des thérapies de conversion – parents, responsables religieux, personnes enseignantes, entraîneuses, professionnelles de la santé et de la santé mentale, travailleuses sociales ou intervenantes en protection de l’enfance. La thérapie de conversion se dissimule parfois sous le couvert d’une simple thérapie ou d’un coaching de vie. Néanmoins, si la finalité demeure la même que celle décrite plus haut, alors le service, la pratique ou le traitement constitue toujours une thérapie de conversion au sens du Code criminel.
Outre la loi fédérale de dispenser une thérapie de conversion, le Code criminel inclut dorénavant quatre nouvelles infractions liées à la thérapie de conversion pour interdire à quiconque :
- de faire suivre une thérapie de conversion à une personne ou de fournir cet acte
- de promouvoir ou de publiciser la thérapie de conversion
- de tirer un profit (pécuniaire ou autre) d’une thérapie de conversion
- de faire passer à l’étranger une personne mineure du Canada pour la soumettre à une thérapie de conversion ou entreprendre des démarches en ce sens
Il convient de souligner que le consentement de la personne à subir une thérapie de conversion n’a pas d’importance. La loi ne prévoit aucune exception relative au consentement. De même, peu importe la gratuité ou non de la thérapie de conversion, cette pratique demeure illégale.
Les infractions criminelles précisent ne pas criminaliser les interventions qui aident une personne à explorer ou à développer son identité personnelle intégrée. Toutefois, ces interventions ne doivent pas être fondées sur l’hypothèse qu’une orientation sexuelle, une identité de genre ou une expression de genre particulière est préférable à une autre.
Le Code criminel ne définit pas « identité personnelle intégrée ». Toutefois, il s’agit d’un terme technique – c’est-à-dire, un terme avec une signification précise dans un domaine scientifique ou professionnel. Dans le domaine de la santé mentale, la American Psychological Association décrit l’identité personnelle intégrée (en anglais) comme « un sentiment de cohérence quant à ses besoins, ses croyances, ses valeurs et ses rôles. Cela inclut les facettes de soi-même susceptibles de faire l’objet d’une stigmatisation sociale, notamment l’âge, le genre, la race, l’appartenance ethnique, le handicap, l’origine nationale, le statut socio-économique, la religion, la spiritualité ou la sexualité ».
Par ailleurs, la thérapie de conversion s’étend au-delà des simples conversations sur le genre, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre. Toutefois, si ce sujet figure dans le cadre d’une intervention thérapeutique, alors cela peut constituer de la thérapie de conversion si l’intervention est fondée sur la supposition selon laquelle l’orientation hétérosexuelle ou l’identité cisgenre est à privilégier.
Si vous subissez actuellement une thérapie de conversion ou des efforts de coercition, votre sécurité et votre bien-être sont essentiels. Selon votre situation, vous pourriez vouloir ou non signaler votre situation à la police. Consultez la rubrique Soutien et ressources pour obtenir de l’aide.
Si vous connaissez une personne ou un organisme qui pratique l’une des infractions décrites plus haut et vous souhaitez le signaler, plusieurs possibilités s’offrent à vous :
- Signalez un crime. Les infractions au Code criminel sont signalées pour enquête aux forces de l’ordre de votre région. Vous pouvez appeler le numéro de téléphone non urgent de la police locale ou de la GRC. Avant d’entreprendre cette démarche, notamment si vous subissez actuellement une thérapie de conversion ou si vous en êtes un·e survivant·e, nous vous invitons à lire les lignes directrices générales à l’intention des victimes d’actes criminels (en anglais). Pour trouver un service d’aide aux victimes près de chez vous, effectuez une recherche par code postal ici. Ce service peut vous aider à toutes les étapes du processus judiciaire. Si vous apprenez qu’une personne mineure est sur le point de quitter le pays pour subir une thérapie de conversion, composez le 9-1-1 (« Je connais une personne mineure/je suis une personne mineure en danger immédiat d’être amenée à l’extérieur du pays pour subir une thérapie de conversion, ce qui constitue une infraction criminelle »). Consultez également les conseils du gouvernement du Canada pour obtenir de l’assistance au Canada ou à l’étranger.
- Dénoncez un·e praticien·ne à son ordre professionnel. Si la personne qui fournit une thérapie de conversion ou des services connexes interdits appartient à un ordre professionnel, notamment en médecine familiale, en psychiatrie, en psychologie ou en travail social, vous pouvez déposer une plainte auprès de son ordre professionnel ou son corps administratif. La plupart des professionnel·le·s relèvent d’une réglementation provinciale. Pour trouver l’ordre professionnel, il suffit de taper la profession dans Google puis le mot « plainte » et la province en question. Par exemple, « plainte médecin Ontario » vous conduit à OMCO – plaintes et préoccupations.
- Signalez un organisme de bienfaisance enregistré à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si l’organisme qui commet une infraction est un organisme de bienfaisance enregistré, vous pouvez le déclarer à l’ARC et celui-ci pourrait se voir révoquer son statut d’organisme de bienfaisance. Notez que votre plainte sera confidentielle, mais vous ne recevrez pas de mises à jour de l’ARC concernant l’enquête.
- Informez les services de protection de l’enfance. Si vous soupçonnez qu’une personne mineure est soumise à une thérapie de conversion, communiquez avec les services de protection de l’enfance de votre région.
Ressources du CBRC relatives à la loi fédérale :
- Dépliant sur les infractions criminelles fédérales relatives aux TC
- Ending, Healing, and Learning – The Current and Future State of SOGICE : panel en plénière présenté au Sommet 2019 et animé par Travis Salway. En anglais seulement.
- La loi fédérale expliquée
- Mettre fin aux efforts de coercition visant à changer l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre (SOGIECE*) : ce rapport, publié en 2020, présente un aperçu des efforts de coercition, ses effets, ainsi que les limites de son interdiction.
- Protéger les minorités sexuelles et de genre du Canada contre les efforts nuisibles visant à tenter de changer l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne : mémoire présenté au Comité permanent de la santé (HESA) en vue de son étude sur la communauté LGBTQ2, La santé au Canada (2019).
- Réflexions sur le projet de loi C-4 : l’opinion d’un activiste et d’un survivant sur la nouvelle interdiction fédérale des thérapies de conversion, par Michael Kwag (2022).
Ressources supplémentaires :
- Egale Canada (en anglais)
- Public Legal Association of Newfoundland (en anglais)
- Let Me Be Me: A Legal Information Guide to Canada’s Conversion Therapy Ban, The Legal Information Society of Nova Scotia. Disponible en anglais seulement.
- Centre for Public Legal Education Alberta: (faites une recherche pour “Conversion Therapy”). Le site web comprend une fiche d’information, une FAQ, des affiches, des vidéos, une série de rédactions personnelles, ainsi qu’un webinaire. Disponible en anglais seulement.
- Conversion practices continuing despite federal ban: study: Geoff McMaster, 2024.
- Is conversion therapy ethical? A renewed discussion in the context of legal efforts to ban it, G. Andrade, M. Campo Redondo, Ethics, Medicine and Public Health, Vol. 20, 2022) (en anglais)
- Banning Transgender Conversion Practices: A Legal and Policy Analysis, Ashley, F., Univ of British Columbia Press (2022) (en anglais)
- Ending conversion therapy in Canada: A policy brief to guide interventions, Kinitz, D. J., Watt, S., et al. RainbowCanada.org (2023), en anglais.
- Beyond the Ban: Taking Action Against Conversion Practices After Bill C-4 (Simon Fraser University Public Square, 28 septembre 2022), discussion animée par Travis Salway avec Florence Ashley et Jules Sherred, en anglais.
- Banning Conversion Therapy: Legal and Policy Perspectives, Ilias Trispiotis (University of Leeds, UK) and Craig Purshouse (University of Liverpool, UK), Anthology Editors. Bloomsbury Publishing UK (2023).
- Québec :
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- Registre des actions collectives du Québec
- Gouvernement du Québec
- Fondation Émergence
- Éducaloi – La loi, vos droits (comprend les recours pour porter plainte)
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- Colombie-Britannique :
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- Depuis janvier 2024, les survivant·e·s de « thérapies de conversion » peuvent bénéficier de counseling et d’autres services via le Programme d’aide aux victimes de crimes. (en anglais)
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